Histoire de la montgolfière
Découvrez nos vols en montgolfière au dessus des châteaux de la Loire.
L'homme avait pensé quitter le sol en imitant l'oiseau. En cela, il avait fait fausse route. Il eut beau se coller des plumes et battre des bras très fort, il ne vola pas. Il lui fallait trouver un moyen – comme la roue qui lui permit d'aller plus vite sur terre – dont il n'existait pas de modèle visible dans la nature. Il fallait une véritable invention, et celle-ci fut le ballon. (Le rêve d'Icare).
XVIIIe siècle : les premiers essais
Joseph Montgolfier, né en 1740, avait une véritable passion pour les nouvelles machines très à la mode à l'époque. Avec son frère cadet, Etienne, ils avaient souvent rêvé au vol humain. Ils avaient même déjà imaginé de capturer les nuages dans une espèce d'enveloppe et d'y suspendre un panier. Mais comment réaliser cette idée ? C'est le début d'une aventure, celle de la montgolfière !
Tout débute le jour où Joseph, pour faire sécher sa chemise, la fait gonfler en la tenant par le col au-dessus du feu dans sa cheminée, il se dit immédiatement qu'il vient de faire une découverte tout simplement géniale ! Il en fait part à Etienne et tous deux commencent à imaginer la forme de leur future invention...
Après quelques essais « en chambre », ils fabriquent un globe soie d'un mètre cube qu'ils chauffent au-dessus d'un feu. Ce globe décolle d'une trentaine de mètres. Nous sommes en novembre 1782, une date que certains considèrent comme la naissance de l'aérostation.
Le 14 décembre 1782, un globe de 3 mètres cubes chauffé à la paille mouillée mélangée à de la laine et du papier s'élève au-dessus de l'usine de Vidalon à Annonay. Le 25 avril 1783, un globe de 800 m3 s'élève à 400 mètres d'altitude. Jusque-là, les frères avaient travaillé secrètement dans leur jardin, mais à mesure que l'altitude des vols augmentait, ils ont peur que leurs voisins ne découvrent leurs expériences et qu'on leur vole l'idée : ils décident donc d'organiser un envol public de leur ballon sur la place principale d'Annonay le mercredi 4 juin 1783.
Pour cet événement, ils construisent un ballon de 900 m3 constitué de toile de coton cousue sur des feuilles de papier découpée en fuseaux assemblés par des boutonnières. L'enveloppe maintenue à la verticale par des mâts, ils y suspendent une nacelle remplie de paille et de laine. Quand une chaleur suffisante est générée pour soulever le ballon, ils coupent les cordes et le ballon s'envole, montant jusqu'à 1000 mètres environ lors d'une ascension de dix minutes.
Quand le ballon se refroidit, une dizaine de minutes plus tard, il atterrit dans un champ et commença à brûler à cause du feu résiduel dans la nacelle. Les paysans qui travaillent dans ce champ sont effrayés par cet engin étrange venu du ciel et ne font rien pour éteindre le feu. Le prototype est entièrement détruit.
Heureusement, les témoins du vol certifient son authenticité. Un procès-verbal est dressé et les frères Montgolfier écrivent à l'Académie des Sciences à Paris pour être officiellement déclarés comme étant les premiers à avoir construit un objet « volant »: l'aérostation est née !
L'Académie des Sciences les invite à Paris pour qu'ils fassent une démonstration. Etienne s'y rend en août 1783 et y rencontre plusieurs physiciens intéressés par son invention, en particulier Pilâtre de Rozier, qui allait devenir le premier homme volant sur ce qui ne s'appelait pas encore une « montgolfière ».
À la même époque le physicien Jacques Alexandre Charles construit un ballon gonflé à l'hydrogène. Physicien renommé., il pense que les frères Montgolfier ont, lors de leur démonstration du 4 juin 1783, utilisé l'hydrogène pour le gonflement de leur aérostat. Il veut lui aussi faire s'élever un ballon dans les airs pour effectuer des expériences de physique et demande aux frères Robert de lui fabriquer un ballon de 4 mètres de diamètre. « Le Globe » s'élève le 27 août 1783 du Champ de Mars et se pose à Gonesse au nord du Bourget. On appellera plus tard cet aérostat une « charlière ».
Après avoir effectué plusieurs expériences de vols captifs dans les jardins du papetier Réveillon à Paris, Etienne décide de franchir une étape supplémentaire, c'est-à-dire d'entreprendre un vol humain. Pilâtre de Rozier se propose pour en être le passager, mais les effets de telles variations d'altitude sur un organisme vivant ne sont pas alors connus. Ils choisissent donc de prendre un canard, un coq et un mouton pour ce premier vol habité qui a lieu le 19 septembre 1783 à Versailles, sous les yeux du Roi de France en personne. Les animaux sont récupérés sains et saufs à Vaucresson à 3 km de là après un vol de 3 à 8 mn ; le mouton est même en train de paître tranquillement. Quant au coq, s'il revient avec une aile écorchée, il le doit, dit-on, à une brusquerie du mouton... La preuve est donc faite que des êtres vivants, outre les oiseaux bien sûr, sont capable de voler sans danger !
Le mercredi 15 octobre 1783, dans les jardins de la rue de Montreuil, Pilâtre de Rozier opère le gonflement de la « montgolfière » et montant, dans la galerie circulaire attachée au ballon, se fait élever à l'état captif jusqu'à l'extrémité des cordes qui ont environ 25 mètres de longueur. Le vendredi 17, on répète la même expérience ; une foule composée de la plus brillante société de Paris envahit les jardins. Le ballon s'élève cette fois jusqu'à une hauteur de 108 mètres.
Le seul frein à un vol humain est Louis XVI, qui, se sentant responsable de la vie de ses sujets, a décidé d'interdire ces expériences. A force de négociations, il finit par en donner l'autorisation, mais refuse d'y assister. Les frères Montgolfier ne volent pas eux-mêmes car ils ont promis à leur père qu'ils ne voleraient jamais dans leur ballon. Ce dernier n'est en effet pas convaincu de la sécurité de leur invention ! Pilâtre de Rozier est donc choisi pour le vol. Il est accompagné du marquis d'Arlempdes, pour équilibrer la nacelle. Le panier est divisé en trois parties : les deux parties latérales contenant les passagers et le brûleur occupant le milieu. Les deux passagers peuvent alimenter le feu avec de la paille pour contrôler l'altitude du ballon.
Le 21 novembre 1783, Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlempdes, à bord d'un aérostat de 2200 m3 conçu par Etienne Montgolfier, s'élèvent du château de la Muette à Paris. Pilâtre a un sens inné pour manœuvrer le ballon. Il sent avec beaucoup de justesse à quel moment il doit être chauffé ou refroidi alors que le marquis d'Arlempdes se contente d'admirer Paris vu du ciel ! Ils atterrissent à la Butte aux Cailles après un vol de 25 mn atteignant 1000 m d'altitude. Tout au long du vol, ils ont alimenté le fourneau de l'aérostat - un brasero avec une enveloppe en papier retenu par des chaînes - avec de la paille humide, des vieux chiffons et de la viande en décomposition ! Les frères Montgolfier avaient fait voler les premiers humains...
Le 1er décembre 1783, le professeur Charles et Robert s'envolent à leur tour des Tuileries à Paris devant 400 000 personnes dans un aérostat de leur fabrication : un ballon "à hydrogène". Ils effectuent un vol de deux heures qui les porte à Nesles-la-Vallée. Charles, après l'atterrissage, dépose son compagnon et effectue une ascension à trois mille mètres ! Il n'est plus jamais monté en ballon par la suite... Ce ballon est déjà un modèle parfait : enveloppe vernie, filet, nacelle en osier, appendice de gonflement, soupape, lest et ancre. La nacelle contient même un baromètre et des instruments météorologiques.
En 1784, une femme, Mme Tible vole pour la première fois. Les ascensions se succèdent à Lyon, Dijon, Marseille, Strasbourg et à travers l'Europe. À Lyon, Joseph Montgolfier effectue le premier vol "commercial", embarquant avec lui sept personnes.
De nombreux essais et expériences scientifiques sont effectués dans les années qui suivent pour améliorer les performances de la montgolfière car les pilotes d'aérostats se mettent alors en tête de réaliser un nouveau rêve : traverser la Manche. Pilâtre construit dans ce but un ballon qui, en plus de l'air chaud, comporte un petit ballon gonflé d'hydrogène. Malgré les conseils de Montgolfier, qui trouve cela trop dangereux, il quitte la France en janvier 1785. Après quelques minutes de vol, la flamme du brûleur vient lécher le petit ballon d'hydrogène et l'enveloppe prend feu immédiatement. Le ballon plonge et Pilâtre, après avoir été le premier homme à voler, devient la première victime de la première catastrophe aérienne...
Lorsque la montgolfière de Pilâtre de Rozier et du marquis d'Arlempdes survole Paris en novembre 1783, le jeune André-Jacques Garnerin est au nombre des dizaines de milliers de Parisiens qui assistent ébahis à ce premier vol humain. La passion de l'air ne le quittera plus. Avec son professeur, le physicien Jacques Charles, inventeur de l'aérostat à hydrogène, le jeune homme effectue plusieurs ascensions en ballon. A Paris, fin 1796 et début 1797, Garnerin construit à son tour un aérostat à hydrogène et réalise une série d'ascensions en captif puis deux vols libres. Au cours du second vol, il jette son chien muni d'un parachute en demi-sphère, celui-ci retrouve la terre ferme sans dommage.
Le 22 octobre 1797, Garnerin convie le Tout-Paris pour assister au premier saut humain en parachute. A 17h29, à 200 toises de hauteur (400 mètres), il prend place dans une nacelle d'osier accrochée sous un parachute en demi-sphère et coupe la corde reliant le parachute à son ballon à hydrogène. Les spectateurs, affolés par les oscillations de son engin durant la descente craignent le pire. Bilan : une simple entorse à l'arrivée.
Jeanne Labrosse, son élève devenue son épouse, sera ensuite la première femme à sauter en parachute le 12 octobre 1799. Sa nièce, Elisa, entamera en 1815 une longue carrière de parachutiste marquée par 39 sauts. Pendant les quatre années suivant son exploit, Garnerin accomplira de nombreuses ascensions en aérostat, ponctuées de sauts fréquents en parachute devant des spectateurs payants. Il mourra le 23 août 1823, frappé à la tête par une grosse poutre alors qu'il prépare une plateforme d'envol.
XIXe siècle : la folle expansion des montgolfières
Le XIXe siècle voit le développement des ascensions scientifiques. Le but est alors de monter le plus haut possible afin d'effectuer des prélèvements d'air en vue de les analyser. En juin 1802, une ascension est effectuée par Humboldt et Bompland. Ils font de nombreuses observations sur la température et la pression barométrique.
Les ballons sont aussi rapidement utilisés dans le cadre de fêtes. Un ballon est lancé le jour du sacre de Napoléon 1er avant de s'abattre le lendemain à proximité de Rome.
En 1836, l'aéronaute anglais Green réalise la première traversée de grande longueur (800 km entre l'Angleterre et le duché de Nassau). Les ascensions scientifiques se poursuivent à des altitudes toujours plus élevées.
En 1858, Nadar, journaliste, caricaturiste, photographe et peintre, prend la première photographie aérienne depuis un ballon captif. Il fait ensuite construire « le Géant », un ballon de 6000 m3. Le premier envol a lieu au Champ-de-Mars le 9 octobre 1863 et se termine près de Meaux. Le 18 octobre, « le Géant » part de Paris avec neuf passagers. Il parcourt 600 km en 16 h et se pose à Hanovre mais subit un traînage de 16 km. « Le Géant » ascensionne encore à Bruxelles, Lyon, Amsterdam mais les recettes sont loin de couvrir les dépenses.
C'est à l'Exposition de 1867 que Giffard installe son premier grand ballon captif à vapeur de 5000 m3. Il y connaît un grand succès et l'impératrice elle-même tient à y monter. Ces ballons captifs publics, vont devenir pendant une quarantaine d'années l'attraction classique des expositions et permettront à des dizaines de milliers de personnes d'effectuer leur « baptême de l'air. ». En 1868 et 1869, Giffard installe successivement à Londres deux ballons captifs de 10 500 et 12 000 m3.
Au cours du siège de Paris, en 1870, Nadar propose ses services et son matériel pour observer les mouvements de l'ennemi. Il organise le premier départ en ballon. Les ballons libres sont alors le seul moyen de maintenir les communications avec la province. Nadar, après avoir utilisé les ballons en captif pour observer les mouvements ennemis, organise le premier départ, place Saint-Pierre à Montmartre. Du 23 septembre 1870 au 28 janvier 1871, 66 ballons quittent Paris. Ils transportent 168 personnes, 400 pigeons et 11 tonnes de courrier (2 500 000 lettres). Le plus illustre passager des ballons est le Ministre de l'Intérieur Léon Gambetta qui part à bord de « l'Armand Barbès » le 7 octobre 1870.
En 1878, le clou de l'Exposition est le colossal captif que Giffard place dans la cour des Tuileries : ce ballon détient longtemps tous les records de dimensions. Il contient 25 000 m3 d'hydrogène pur, a un diamètre de 36 mètres et une hauteur de 55 mètres ! La nacelle, de 6 mètres de diamètre, peut enlever à chaque ascension 50 voyageurs à 600 mètres. Du 10 juillet au 4 novembre 1878, le grand ballon emmène 35 000 passagers sans aucun incident notable.
Le ballon captif devient très populaire et tous les journaux de l'époque s'émerveillent du spectacle : « Le grand ballon ! Qui ne le connaît pas ? De tous les quartiers de Paris on l'aperçoit, dans l'enfilade d'une rue, au-dessus d'un toit, de la Bastille à l'Arc de Triomphe, partout apparaît le colosse. C'est le phénomène familier : le vieux savant le suit de l'œil, les mères le montrent à leurs enfants, les maris à leurs femmes (...). Un colosse est toujours populaire. » (Le Panthéon de l'Industrie du 30 septembre 1878). Exploité encore en 1879, il est ouvert au sol par un ouragan.
A la suite de l'incroyable exploit d'Henri Giffard, les ballons captifs essaiment à travers le monde. Pilote de Giffard, Louis Godard est sans doute l'un des plus grands fabricants de cette époque. De 1884 à 1899, Louis Godard emploie des ballons captifs dans de nombreuses villes : Nice, Turin, Barcelone, Buenos-Aires, Rome, Copenhague, Chicago, Mexico, Budapest, Leipzig, Le Caire, Genève...
La fin du XIXe siècle est marquée par l'envoi de ballons-sondes à des altitudes très élevées toujours dans le but de prélever des échantillons d'air. Cette idée date de la fin du XVIIIe siècle mais ne peut être réalisée qu'à partir de 1892.
L'exposition universelle de 1900 voit l'organisation de nombreux concours de ballons. Plusieurs exercices sont réalisés ; il s'agit d'abord de franchir la plus grande distance possible en un minimum de temps puis d'aller le plus haut possible et enfin d'atterrir le mieux possible !
XXe siècle : déclin... et renouveau.
Le règne des « plus légers que l'air » (gonflés à l'hydrogène, à l'air chaud et bientôt l'hélium) semble alors s'arrêter. Ce type de déplacement aérien ne résiste pas face aux nouveaux venus : les « plus lourds que l'air », autrement dit les avions...
De 1900 à 1930, quelques montgolfières survivent. L'usage d'une montgolfière est signalé en Suisse, lors d'une représentation en plein air du Cirque Knie, comme support pour un trapéziste ! Et les recherches scientifiques se poursuivent malgré tout. Louis Godart met au point un brûleur à pétrole ainsi que Cornier et Japy. Mais dans les années 1930, des accidents comme l'explosion du zeppelin Hindenburg semblent donner un coup fatal à l'exploitation des dirigeables.
Le 27 mai 1931, Auguste Piccard devient le premier homme à entrer dans la stratosphère à bord d'une capsule sphérique pressurisée de son invention, emportée par un ballon à gaz. En 1937, le professeur Piccard et Hay Cosyns font les essais d'un brûleur à propane. L'idée renait et se développe grâce à l'apparition de matériaux nouveaux. Avec Raven-Industrie, Ed Yost et Don Piccard inventent la montgolfière moderne, celle qui, quelques années plus tard, va arriver en Europe sous sa forme actuelle.
Avec la guerre, les troupes d'observateurs en ballons (captifs, pour l'artillerie) sont dissoutes et tous les ballons stockés dans un hangar. En 1945, ils sont en piteux état : la toile caoutchoutée a mal supporté le stockage. Quasi neuf, le « Forsanose » est en meilleur état. On décide de le transformer en montgolfière, munie d'un brûleur à pétrole.
Le 28 septembre 1946, Ernst Huber et Hans Fehr effectuent le premier vol à bord d'un ballon à air chaud moderne. En 1951, J.A. Contes construit une montgolfière à Akron aux USA. En 1959, la NASA effectue des essais pour la récupération des pilotes abattus au Vietnam, à l'aide d'une enveloppe de nylon et d'un brûleur.
Grâce à l'apparition du nylon et du brûleur à propane, un constructeur britannique de ballons, Don Cameron, réinvente la « rozière. » L'hélium remplace l'hydrogène, les brûleurs à propane, le brasero et les matériaux du XXe siècle font le reste : le système devient sûr, efficace et permet à son concepteur de tenter en 1978 la traversée de l'Atlantique. Puis, en 1992, c'est à Bertrand Piccard et Wim Verstraeten de gagner la course à travers le même Atlantique. C'est tout naturellement qu'ils ont adopté des brûleurs à kérosène et ont fait appel à la même technique et au même constructeur pour leur dernière tentative réussie de tour du monde avec le Breitling-Orbiter 3, une rozière ... et non une montgolfière !
Source : momes.net